Des barrages, des usines et des hommes

Ce volume d'études offertes au professeur Henri Morsel n'est pas un simple recueil de « mélanges ». Après l'évocation de sa trajectoire personnelle et universitaire, de sa contribution à l'historiographie et de son implication dans diverses institutions scientifiques (Association pour l'histoire de l'électricité en France, Institut pour l'histoire de l'aluminium, Musée de Lancey), l'ouvrage s'inscrit autour d'un thème et dans un territoire qui ont largement imprégné son oeuvre.

En effet, les contributions, toutes inédites, s'intéressent aux conditions de l'émergence dans les Alpes du Nord, à partir des années 1880, d'industries nouvelles, celles de l'électrochimie et de l'électrométallurgie en particulier. Elles s'articulent autour d'une question centrale : quelle est la part respective, dans cette « seconde industrialisation », des ressources locales et des apports extérieurs ? Si l'exploitation d'un gisement hydroélectrique exceptionnel représente bien sûr un facteur décisif, d 'une part, la << première-industrialisation » (sidérurgie, ganterie, papèterie, cimenterie ... ) fournit des bases essentielles, qu'il s'agisse des capitaux, de la main-d'oeuvre, des gisements charbonniers, de l'exploitation des courts d'eau, du réseau de chemin de fer, du savoir-faire et des équipements techniques. D'autre part, les contributions d'inventeurs, d'ingénieurs ou de financiers extérieurs à la région sont déterminantes dans la naissance et le développement des industries nouvelles. Les entreprises sont donc plus ou moins rapidement insérées dans des liens de dépendance nationale voire transnationale.

Mais cette ouverture sur l'extérieur ne se fait pas à sens unique : l'industrialisation des Alpes du Nord débouche aussi sur l'émergence locale d'institutions de formation, ou de recherche de pointe dont le rayonnement dépasse largement le cadre régional. L’ouvrage ne se limite pas à une perspective d'histoire économique : il s'intéresse également aux évolutions des sociétés alpines face à l'industrialisation, aux politiques sociales menées à l’égard de la main-d'oeuvre et au développement d'un enseignement supérieur spécialisé.