Villeneuve, vues dedans !

Tout public

La photographie est pour moi un véhicule extraordinaire ! Un véhicule qui me permet de m’exprimer au travers de rencontres, de lumière, de lignes… d’émotions. J’ai souhaité porter mon regard sur trente habitants du quartier de La Villeneuve à Grenoble et, au travers d’eux, évoquer leur lieu de vie. Comme bien souvent, pour ne pas dire à chaque fois, j’ai cherché par le biais de mon regard photographique à découvrir un monde qui m’était inconnu. En 2003, j’ai profité du fait que la Villeneuve fêtait ses trente  ans pour rencontrer et découvrir quinze femmes, quinze hommes, des jeunes et moins jeunes, de toutes cultures ethniques, sociales et religieuses… Je les ai tous croisés au détour d’une coursive, en suivant une amitié ou encore lors d’un pique-nique collectif. J’ai proposé à toutes ces personnes de les photographier dans des lieux évocateurs, choisi par leurs soins, relatifs à la Villeneuve. Lieu qui raconte une partie de leur histoire passée ou présente, chemin de vie en parallèle à celui de leur quartier.

Portrait photographique effectué en argentique noir et blanc et de format du négatif (6 x 6  cm). Portrait frontal, figé, le regard de chacun fixant mon objectif, se perdant dans votre regard de spectateur, afin que la ressemblance intime de chacun, comme le dit Nadar, soit au mieux retranscrite sur cette pellicule d’argent. J’aime qu’une photographie me raconte une histoire. J’aime à me perdre dans un détail, une attitude, et de là j’essaye de m’imaginer une vie ! Je suis attiré par le travail de plusieurs photographes mais ceux qui m’ont fortement marqué concernant cet exercice du portrait s’appellent August Sander, Marc Garanger et Ahmet Sel. Dans chacune de leur image je retrouve la fierté et le respect de leur modèle ! Mon image est le résultat du lien créé entre le photographe et chaque habitant. Je me suis laissé guider par le récit de leur histoire de vie concernant ce quartier. En concertation avec eux, nous avons choisi un lieu dans lequel ils ont posé. C’est ainsi que j’ai souhaité vous présenter, vous faire découvrir toutes ces personnes. J’ai en effet parfois le sentiment que mes images ne sont que prétexte à rencontrer des gens, à les regarder vivre et à essayer d’en rendre compte par l’intermédiaire de ma sensibilité et de mon regard. Arrivé à Grenoble en 1993, j’ai souvent été mis en garde quant à la « dangerosité » de La Villeneuve. Dix années se sont écoulées avant que je décide d’aller me rendre compte par moi-même et de laisser mes a priori à l’entrée de ce quartier afin de mieux le comprendre. Je n’y ai entrevu que de belles personnes, de belles histoires, des sourires… Un accueil propre à l’utopie de ce lieu. Ne comprenons-nous pas un peu mieux les choses lorsque nous les voyons ? J’ai été fasciné par l’engagement que chacun déploie afin que ce lieu continue à porter son utopie fondatrice. Parfois avec un peu d’amertume mais toujours avec l’espoir d’aller de l’avant.

Après avoir pris la parole par l’intermédiaire de mes images, j’ai souhaité la partager. Je les ai accompagnés, afin qu’ils photographient leur lieu de vie car qui mieux que des habitants sont à même d’évoquer l’endroit où ils vivent. Je les ai guidés dans des choix techniques, notion de lumière, notion de cadrage, mise au point, vitesse de l’obturateur… Afin que leur propos soit le plus fidèle à leur pensée. Véritable moyen de communication, langage universel, la photographie a permis aux participants d’exprimer leur quartier, leur implication, leur perception en photographiant des gens ou un endroit qu’ils apprécient (amis, famille, local associatif, espace vert, maison de quartier, logement…).

Bien que ces photographies aient été présentées à plusieurs reprises sous la forme d’expositions, ce livre est pour moi l’aboutissement de ce travail photographique. Une façon de pérenniser et de rendre hommage à l’implication et à la beauté d’âme de ces trente personnes ! In fine, cela donne deux regards croisés, présentés en diptyque : celui des habitants sur leur quartier et celui du photographe sur ces mêmes habitants. Merci à vous tous pour toutes ces belles rencontres !

Jean-Sébastien Faure